Mutation du paysage urbain béninois, nouvelle génération : entre envie, dynamisme et effet de zèle

Le temps a été témoin de l'évolution du paysage urbain béninois, et l'histoire elle en a gardé des traces qu'elle a retranscrites sur les lignes vierges de son épitaphe. Au Bénin, la musique urbaine reste le genre musical le plus populaire. Les entités de ce type tirent leurs forces de la qualité de création de ceux qui la font exister. À l'heure d'aujourd'hui, sa genèse fait état de trois générations : les précurseurs, l’ancienne et la nouvelle.



• Rôle des générations
Les précurseurs sont ceux qui ont posé les premières pierres du genre musical. En dépit du peu de moyens de l’époque, ils ont essayé de faire de leur mieux pour préparer le terrain à la vague suivante : l’ancienne génération.

L'ancienne génération se veut protectrice et gardienne du passé, consolidatrice des acquis antérieures. Elle avait la lourde tâche de les perpétuer tout en les faisant évoluer avec son époque. Mais aujourd’hui, l'air qui a vu émerger et dominé des figures comme le < b>CCC, Blaaz, 3é Monarchie, Dibi Dobo si on ne peut citer que ceux-là semble depuis un moment s'essouffler face à l'évolution actuelle de la musique urbaine et la mutation de ses codes. Les fers de lance de jadis semblent s'être émoussés. C'est cet état de choses qui fait qu'on retrouve des artistes qui du micro passent à la gestion de carrière (manageur), la direction artistique et à la production.

Il y a aussi le niveau intermédiaire dans cette ancienne génération. Il est composé de rappeurs non-déclarés qui, malgré des années de carrière, demeurent inconnus, et restent tapis dans l’ombre attendant impatiemment leur heure.

Toutefois, depuis un moment souffle un vent nouveau quiest porteur de l'avènement de nouveaux talents, ceux censés reprendre le flambeau porté vaillamment par leurs aînés. Ceux que nous désignons comme étant la nouvelle génération. Dans cet article, nous nous intéresserons à elle.

• Les variantes de la nouvelle génération

Elle est bien plus importante que tout ce qu'on a pu voir auparavant. Elle fait état de plusieurs variantes en son sein. Dans un premier temps, nous avons les plus talentueux : ils constituent le noyau dur de cette marée à perte de vue qui a connu une réelle éclosion depuis maintenant trois ans et ce Grâce au sérieux mise à contribution dans leur travail.Ensuite, il y a les moins talentueux : ce sont ceux qui forcent. Et pour finir,la catégorie des artistes saisonniers, ceux qui n'envisagent pas de réelle carrière.

Quelle que soit la classe, l’objectif demeure le même : faire franchir à la musique béninoise un nouveau cap et surtout l’exporter.

• Les atouts de la nouvelle génération

Une envie de rayonner et ce par tous les moyens possibles : c'est là l'une des principales forces de la nouvelle génération. Elle a l'appétit vorace et ne rate pas une occasion de le faire savoir au monde. Elle voit les choses en très grand et entend bien faire mieux que ses aînés. Cependant, nous sommes à une époque où les moyens pour faire et promouvoir sa musique sont divers et variés, Mais surtout accessibles. Il est clair que l'évolution de la technologie est un allié de taille qui offre des possibilités infinies.

Un autre atout de cette nouvelle génération est qu'elle est très entreprenante et n'a pas peur d'aller au-devant de défi. La preuve, le 20 juillet 2018 a eu lieu un concert New Gene tenu par l’underground. Une initiative louable à encourager et par-dessus tout, à rééditer. Elle se donne les moyens de toucher une audience large par le biais de l'organisation de showcase, concert et compétitions Hip-Hop, relais et soutien pour la sortie de tel ou tel single, vidéo direct, communication sur les réseaux sociaux, etc. Mais... eh oui, il y a un mais !

Il y a un certain nombre de choses qu'on reproche à la nouvelle génération, des choses qu'on va essayer d'énumérer sur plusieurs points.

• Complaisance dans sa zone de confort !

Première insuffisance, elle ne déjoue pas toujours les pronostics et se contente bien souvent des sentiers battus. Il n'y a pas de réelle prise de risques. Sortie de single ? Aucun souci ! Une forte présence sur les réseaux via des séries de posts sur Facebook et des diffusions qui flirtent parfois avec les lignes du harcèlement sur Whatsapp sont là, les recettes de base dont elle fait usage. Ou alors, une diffusion de vidéo soutien de quelques secondes suffisent. Pour les plus éclairés, un challenge est lancé pour créer de l'engouement autour du single avant et après sa sortie. Quel dynamisme me dira t-on ! Seulement, l’une comme l’autre de ces techniques sont si communes et si employées qu’elles ont perdus au fil du temps le réel impact qu’elles sont censés avoir à l'emploi.

• Promotion et communication, erreur sur la cible

Elle se trompe sur l'endroit où doit être dirigée et accentuée sa communication et sa promotion. Le vrai public, celui susceptible d'adhérer à sa musique, ne se trouve ni sur Facebook ni sur WhatsApp. L'engouement pour leur concert du 20 juillet 2018 en est la preuve

Figurez-vous que malgré la trentaine d’artistes prévus ce jour-là, elle n' est pas arrivé à remplir l’espace Tchif. Et encore, Si ce n'était pas que ça. On a pu remarquer un manque d'organisation lors des passages, et le facteur le plus frappant : tout ce beau monde nous a gratifié des délices de prestations en Play-back. C'est révoltant quand on sait qu'elle peut faire beaucoup mieux.

• Trop accessible !

Elle semble négliger un autre facteur important, celle de la gestion de son image. En effet, bien qu'elle soit talentueuse, elle n'a guère de notion sur le culte du mystère de l'image d'un artiste. Elle est trop accessible, et traîne tellement par ci et làque l'idée de payer pour la voir en concert ou gratuitement ne semble pas emballer grand monde.

• Suivisme et manque de sérieux

La nouvelle génération est un peu trop adepte de suivisme et se refuse la plupart du temps à une vraie réflexion musicale. Les sujets qu'elle propose sont redondants et se résument à l'alcool, le sexe et la beuh, On peut bien parler de ces choses car ils sont vendeurs. Mais y mettre un minimum de recherche musicale est de mise pour nous épargner la bonne soupe de toujours. et vous n'êtes pas sans savoir que dès qu'un truc marche, c'est la ruée vers celui-ci. La preuve en’est qu'actuellement la plupart sont à fond sur le Shakur. C’est bien dommage quand on sait que nous avons une culture assez riche qui ne demande qu'à être exploitée comme il se doit.

Voilà la quelques bémols au réel épanouissement de cette nouvelle génération.

• Pistes de solutions pour une redynamisation

Bien entendu, ce serait fastidieux de fixer une technique imparable puisque les méthodes varient d’un artiste à un autre et d’un staff à un autre. Néanmoins, l’idéal serait de préparer un réel plan de communication pour chaque sortie, et surtout d’y allouer un budget convenable.

C’est bien de faire des sorties, mais c’est encore mieux d’avoir des sorties qui génèrent des rentrées ! Cela commence déjà dès la composition des morceaux. Pourquoi l'idée de faire des morceaux qui relatent nos réalités locales semble encore effrayer bon nombre artistes ? Car, même si cela semble être un éternel débat, la musique urbaine béninoise est encore loin d'avoir une réelle identité.

La nouvelle génération gagnerait à étudier des erreurs de l’ancienne pour réellement atteindre un rayonnement efficient, pour s'éviter d'avoir une épopée aux allures légendaires, mais avec une fin de pétard mouillé. Après tout, c’est au bout de l’ancienne corde que se tisse la nouvelle.

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