Sinik - Déferlement du soi dans Immortel II


Les paroles à Sinik. Elles sont dévalées comme une avalanche de vies et de vécues ; se substituant autant à la rage qu'à la tristesse, autant à l'espoir qu'aux inconstances de l'existence. Elles sont à la fois cruciales, cruelles, rudes, mais en même temps délicates. Elles vous voyagent dans l'artistique et dans l'artiste. Tout en maintenant son profil d'homme avec ses expériences, ses rêves, ses chagrins, ses nostalgies, ses discernements (du monde), ses phantasmes aussi.

Est-il impossible d'écrire du rap sans s'écrire ? Il nous semble que pour Sinik, cette question peut être prise pour une réponse. Et à l’écoute de « Immortel II », nous pourrions être indéniablement, affirmatifs. Car Sinik s’y dévoile tel un sculpteur qui taille dans du fond sonore, des réalités concrètes, des parts de portraits (de lui et d’autres) mémorables, désignant les faits par du palpable. Comme dans "Quand je serai grand". Au fil des sons, nous sommes confrontés à une sorte de restitution d’un puzzle intérieur. Chaque texte, soit le dénude, soit le rhabille des intentions cachées au fond de lui.

Le lien répétitif qui unie de façon omniprésente ces quatorze (14) titres, demeure, le rapport du rappeur, à la démystification des impostures, des fourberies, et des hypocrisies. Tant sur le plan personnel, que sur le plan universel. Par rapport aux médias, par rapport aux politiques, par rapport aux pays du monde en difficultés. On s’en rend amplement compte, en écoutant "Végéta", "Contradictions", etc. Curieusement, jamais Sinik n’accuse en dehors de lui, ou plutôt, en dehors du soi-même. Lorsque dans "Cancer de la Banlieue", il décrit le fatalisme entretenu par les jeunes, ou qu’il ne cesse de dépeindre leurs choix presque surprenants voire antinomiques, on admet sa démarche de ne chercher les solutions qu’au fond de soi, et uniquement par soi. Sinon, pourquoi prétendrait-il avec un ton de critique, cette réalité cinglante : « On ne cherche pas de taff, (mais) On se plaint de ne pas en trouver » ?

Il conviendrait aussi de constater qu’à travers plusieurs titres, Sinik fait transparaître son trouble obsessionnel par rapport à son après-rap et son après-vie. L’album s’ouvre d’ailleurs avec "Inhumain". L’Autoportrait est ainsi, une évidence dans « Immortel II ». A travers "Repenti", "Vie d’artiste", "Au bout de ma life", etc., nous apprenons à comprendre l’état d’estime (de soi), et d’esprit de Sinik. On comprend par la même écoute, que sa maturité n’est plus seulement l’apanage de son âge ("J’ai plus 20 ans"), mais aussi de ses responsabilités. "Assume" en est une preuve satisfaisante. Ce n’est du coup, pas étonnant qu’il se serve, maintes fois, de la paternité comme identité, et qu’elle devienne son repère de savoir-vivre, de savoir-dire, et de savoir-réagir. Justement, déclare-t-il : « Monsieur, ce n’est plus la merde envers les flics que je viens chercher ».

Au final, cet opus tente aussi, quelque part, de régler une sourde vieille querelle toujours en sursis, entre le fond et la forme dans le rap. Et, intentionnellement ou non, l’artiste tranche. Parce que, à aucune minute, dans toute cette diversité stylistique, ou rythmique, il n’a immolé la teneur, afin de paraître commode à la tenue. Même le Trap, qui de nos jours, est devenu un refuge de plus de balbutiements que de parlers à impact, a été pertinemment exploité par Malsain L’Assassin. Comme quoi, ce n’est pas parce que nombre de rappeurs écrivent du vide, que ça induit que le rap est un vide à écrire.

  • Le plan de Dieu
  • Anandel
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