La diction et l'écriture toujours portés vers le sens, le style empreint d'un ton tranchant, Cyanogène, alias « Général Le loup », se dévoile à nous. Découvrez comment le rappeur appréhende son art !
VolunCorp : D'emblée Cyano, risquons-nous à la démagogie : « Le rap était-il mieux avant ? »
Cyano-Gêne : Non je pense que dans l'univers tout évolue, même quand ça a l'air d'être figé ça évolue quand même. Et le rap ne fait pas abstraction à cette règle. Du coup le rap d'avant correspondait à cette époque tout comme celui de maintenant est le produit de notre environnement actuel. Ce sont deux époques différentes, la société n'est plus pareille. Le rap étant une culture, c’est normal que les codes changent. Et puis même avant aussi il y avait de mauvais rappeurs tout comme il y en avait de bons. C’est juste relatif.
VolunCorp : Vos thèmes sont généralement portés par l’intériorité du regard, par le fait donc de ne se conformer qu’à ses propres codes. A quelle nécessité répond cette orientation thématique ?
Cyano-Gêne : Cette nécessité c'est la liberté. Je suis un anti conformiste. L'homme est l'esclave de la machine sociale qu'il a lui-même créé. Il a créé le concept d'élite et de masse, de gouverneur et gouverné. Une certaine "élite" tente d'asservir la "masse". On criera théorie du complot jusqu'à ce qu'un jour on ne soit que des moutons perdu à la recherche du "berger sauveur" si ce n'est pas déjà le cas. Voilà un peu le monde autour duquel tournent mes textes. Subtil mélange d'idéalisme et réalisme, d’utopie et de rationnel.
Changer les choses semble impossible mais rappelons-nous que les plus grandes montagnes sont faites de petites pierres.
VolunCorp : Votre univers musical, est d’une imprévisibilité métissée. Par contre, vous êtes essentiellement axé entre des compositions aux influences électriques, à celles Dirty-tempo américaines. Qu’est-ce qui justifie cette tendance chez vous ?
Cyano-Gêne : Alors là je ne sais pas vraiment, c'est venu tout seul, rien de prémédité. En premier lieu je suis un grand fan des Bass sombres, ça me met plus en phase avec l'inspiration et deuxio j'aime quand les grosses caisses cognent "sec". Et l'on retrouve les meilleures grosses caisses dans le dirty tempo américain mais je ne me mets pas dans une boite pour autant. Je n'ai aucune restriction musicale. Si j'aime bien la musique je fonce. C'est cela le plus important, pouvoir ressentir la musique peu importe son style ou son univers.
VolunCorp : Votre écriture ! Elle n’est jamais inutilement grossière, toujours techniquement appliqué, porté par une stylistique laborieuse, avec parfois une légèreté égocentrique, ou ironique. Quelle idée de l’écriture rapologique défendez-vous au final ?
Cyano-Gêne : L'écriture c'est le #artoftruth où dans mon cas à moi l'art de retranscrire les voix que j'entends dans ma tête. Ce sont des flashes, des instants, des images que j'immortalise en prononçant des paroles puis en les matérialisant avec l'encre de mon stylo sur le papier ou dans le bloc note de mon smartphone. L'écriture devrait impacter les mentalités et les changer. Quitte à choquer. Elle doit être authentique. Et j'écris selon le principe de l'effet domino, ou la loi de la causalité pour faire simple. Pour déchiffrer mes lyrics il faut tenir compte du cycle "cause et conséquence". Comme une toile de peinture apparemment insensée mais pleine de sens. Un coq à l'âne logique. (Sourire)
VolunCorp : Comment choisissez-vous les textes que vous devez mettre sur vos projets ? Qu’est-ce qui définit d’après vous qu’un tel ou tel texte irait mieux qu’un autre ?
Cyano-Gêne : Ça dépend. J'écris parfois sur des beats mais je préfère faire faire les beats sur mesure au texte. Mais dans tous les cas pourvu qu'il y ait la symbiose entre la forme et le fond. Quand j'écoute un beat le texte qui va avec vient tout seul qu'il soit écrit ou pas.
VolunCorp : Pouvez-vous évoquer l’évolution de votre style depuis vos premiers pas dans le milieu du rap jusqu'à aujourd'hui ? Qu’y-a-t-il eu de nouveau, d’évocateur dans votre approche depuis le temps ?
Cyano-Gêne : Mon style a beaucoup évolué depuis le temps. Il faut dire que ma rencontre avec la "faucheuse" a été déterminante pour la suite. C'est à partir de là que mon personnage "le loup" a commencé à s'affirmer mais depuis je ne cesse de peaufiner mon lyrical et ma technique. Je sais que j'ai évolué mais je ne sais pas moi-même à quel point. Mais vous en jugerai par vous-même très bientôt.
VolunCorp : Pour vous, qui rappez essentiellement en français, la question de la langue, dans un continent qui cherche à se réapproprier ses propres origines, ses propres vocabulaires et syntaxes, n’est-elle pas une préoccupation dérangeante à votre niveau ? Faudrait-il espérer donc que vous adoptiez une langue africaine bientôt ?
Cyano-Gêne : Non pas du tout, je peux très bien parler de ma culture en utilisant le Français, c'est juste un moyen de communiquer comme les autres. Feu Senghor a bien écrit son livre Négritude en Français, mais ça n’a pas amoindri son impact intergénérationnel et intemporel. Au contraire même. Le fait est que nous avons trop de langues en Afrique et c'est cela qui nous empêche d'être unis. Si on avait choisi une langue officielle pour toute l'Afrique je rapperais sûrement dans cette langue. Peu importe la langue ce qui compte c'est la substance. Ça ne sert de parler mille langues à mille personnes différentes. Je pense qu'on ne devrait parler qu’une seule langue sur terre afin que tout le monde se comprenne. De tous les continents l'Afrique est le plus atteint par le syndrome de la "tour de Babel". C'est plutôt une évolution des mentalités qu'il nous faut. Pas redevenir ce que nos ancêtres étaient mais évoluer en tenant compte de notre culture. Réapprendre ce que nous avons oublié sur nous et nos origines suite au lavage de cerveau colonial et grandir en homme noir libre et fier, conscient de sa culture et ses origines.
VolunCorp : Qu’est-ce qui change quand on n’est plus produit par « Light Nation » ? On devient plus indépendant ? Plus imaginatif ? Ou plus déterminé ? (vu qu’on n’a plus personne à part soi-même pour financer ses projets ?
Cyano-Gêne : Indépendant ! ? J'étais déjà indépendant même en y étant. Imaginatif et déterminé oui parce que je suis beaucoup plus impliqué dans le processus. J’ai des objectifs clairs à atteindre et avec ma team (HIGH MINDZ) on taffe pour y arriver. Clairement je n’ai pas de pression concernant mes projets, si vous l’avez remarqué je vais à mon rythme. Je ne suis en concurrence avec personne non plus d’ailleurs, j’en vois pas l’intérêt. Je dirai j'ai quand même depuis le départ de Light Nation, un plus large champ d'action.
VolunCorp : Vos thèmes sont généralement douloureux, révoltés aussi. Le rap vous servirait-il de thérapie individuelle ?
Cyano-Gêne : Oui le rap est un genre d'exutoire pour moi. C'est un exutoire. Comme une auto psychanalyse. Cependant je ne fais pas dans le mélodrame, je crache la vérité sur la face des gens. Cette vérité qui nous effraie tellement que l'on refuse de la voir ou de l'admettre.
VolunCorp : Dans vos habitudes d’artiste, la nuit est-elle le lieu le plus approprié pour bosser ?
Cyano-Gêne : Oui mais bon c'est juste à titre personnel. Sinon moi j'adore travailler la nuit
VolunCorp : L’afro pop est entrain de ravir la place aux autres genres en Afrique. Alors, dites-nous, d’après vous le rap comme vous le faites, a-t-il encore des ressources pour se faire un public de taille ?
Cyano-Gêne : Oui parce que tout le monde ne cherche pas à danser forcément et de deux le rap est capable de s'adapter à n'importe quel rythme. Et je pense d’ailleurs que chaque artiste se construit sa fan base, donc peu importe le genre de musique que tu fais si tu fidélises ta fan base tu n’as pas à craindre les effets de mode ou les tendances. Je ne suis peut-être pas fan de zouk par exemple mais cela n’empêchera pas le zouk d’exister ou des chanteurs zouk de faire des concerts. C’est pareil, un fan quelconque peut ne pas aimer la musique de Cyano Gêne, mais Cyano Gêne fera toujours de la bonne musique pour ses fans qui le soutiennent depuis toujours et sont toujours présents. Shout out à tous ces fans là.
VolunCorp : Autocritique (essayez d’être sincère envers vous-mêmes) : que pensez-vous qu’il manque encore à votre musique pour s’imposer à la hauteur de votre acharnement ?
Cyano-Gêne : Honnêtement je ne sais pas mais je n'arrête pas de travailler afin d'améliorer mon art.
VolunCorp : L’expérience avec Gangbé Brass Band. Comment l’avez-vous ressentie ? Qu’a-t-elle ajoutée à votre démarche artistique ?
Cyano-Gêne : Ça été une expérience chargé d'enseignements pour moi. De nouvelles notions se sont ajoutées à ma connaissance de la musique. Ce son a simplement été une valeur a ajouté à mon art car de la conception a la pause tout a été fait en live. Vous imaginez, on a tourné alors qu’on n’avait pas encore enregistré le son. On a débarqué avec le matos et on a tourné la vidéo en live en plein cœur du marché Dantokpa puis le jour d'après on est allé en studio. D'ailleurs on retrouve les images de la séance studio dans la vidéo. Fantastique comme expérience que je renouvellerais sans hésiter. Ce sont des artistes très humbles et ouverts artistiquement. J’ai beaucoup appris à leurs côtés. Ils ont également apprécié ma démarche artistique et n’ont pas hésité à m’inviter sur la tournée pour fêter les 20 ans du groupe. Ce fût une très belle expérience pour moi en tant qu’artiste.
VolunCorp : Votre fantasme de succès ? Quand, vous direz-vous : « je suis là où je voulais être » ?
Cyano-Gêne : Fantasme ??? Un Grammy…
VolunCorp : Auriez-vous un artiste international que vous challengez intimement a fin de vous surpassez chaque jour ?
Cyano-Gêne : Oui et pas qu'un. Mais je préfère garder ça pour moi.
VolunCorp : Et si vous ne pouviez plus rapper, que feriez-vous d’autre ?
Cyano-Gêne : Je travaillerais surement dans le monde la culture.
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