Pourquoi le reggae ne perce pas au Bénin ?

Des noms de poigne. Des voix chevronnées et des talents de parcours. Yaya Yaovi, Assoh Babylas, Sabbat Nazaire, Erick Krystal, Rasgansa, Ras Bawa, Rouf Alley, FôôFanick et d'autres encore. Pourtant le genre n'a pas émergé au point de dominer, de s'imposer, d'être incontournable.

Alors que,tous les 11 mai, au nom de Bob Marley, nombre de gens (toute génération confondue) s'encombrent les poumons de fumée, chantant à tue-tête, les titres éponymes de l'artiste. « Get up, stand up ! ». Ou mieux « No woman no cry ! »
Qu'ils soient jeunes ou vieux ; qu'elles soient filles ou femmes, chacun secoue les jambes dans le tempo typique de la batterie, de la basse, de la conga, de la guitare et de la mélodica, impliquant même la tête, l’agitant dans tous les sens, comme s’ils avaient des cheveux aux allures rastafari.

Alors que, et plus important encore, le message généralement véhiculé par ceux-ci est vecteur de rencontres, est porteur des préoccupations des populations.

Alors que, et crest peut-être même le plus étonnant, de plus en plus, les jeunes béninois (es), s’accommodent au style et adoptent la coupe rasta. « Ca fait swagg », prétendent d’aucuns. « J’ai le sentiment de redevenir un vrai africain », déclarent d’autres. « Oh c’est juste pour le style hein », largue innocemment une autre, trop préoccupée à faire une boucle arrière avec ses cheveux. Cependant, tous s’accordent sur un détail crucial à leurs yeux : « il faudrait que ça ait de la classe. »

Ainsi, donc, les dreadlocks, seraient devenus plus que de simples cheveux d’adeptes. Ce n’est donc, plus seulement l’apanage des partisans du rastafarisme.Une démocratisation manifeste se constate et permet au mouvement de devenir un des éléments de mode de la jeunesse actuelle au Bénin.Seulement voilà ! Les artistes reggae-man ne sont pourtant pas la priorité de ces mêmes jeunes : « Euh… moi j’en connais pas hein. Si vous parliez de Tiken Jah par exemple, je pourrais fredonner quelque chose ». A la quête de feinte, pour justifier son manque, un autre n’hésite pas à déclarer qu' : « au Bénin, l’attitude reggae n’est pas vraiment bien vu. Ce n’est pas étonnant que je n’en connaisse aucun. Combien de fois ils passent à la télé même ? »

Cette réaction est révélatrice de la mentalité collective. Le regard porté sur le genre est encore empreint de préjugé. Surtout que les artistes eux-mêmes, restent très axés sur le calque jamaïcain de la conceptualisation du genre. Autant dans l’attitude, que dans la musicalité, et aussi dans le style des cheveux. Ce qui est noble bien sûr. Car il y a là un respect strict de la conception de base, selon que, littéralement, le terme « dreadlocks » désignait « mèches de la peur ». Etant donné que les artistes sont d’abord des êtres de convictions, il est bien compréhensible, qu’ils s’en tiennent à la logique originelle, au risque de sembler trahir ce en quoi ils croient, et donc, peut-être se trahir eux-mêmes quelque part.

Mais la contextualisation n’importe-t-elle pas ?

Si au Bénin, il y a encore les préjugés sociétaux qui restent très ancrés dans la perception quasi-générale, et qu’à contrario, le style rasta devient un effet de mode prisé quand par les jeunes, n’est-ce pas qu’il y a une possibilité de reprendre du terrain ?

Peut-être alors, qu’il faudrait une réadaptation stratégique des artistes aux réalités internes du pays ? En plus clair, peut-être qu’il faudrait conformer le style, et vestimentaire, et de la chevelure, aux acceptations actuelles chez nous ? Développer la swagg au reggae feeling, pourquoi pas !Peut-être faudrait-il commencer à se tailler quelque peu la barbe, afin qu’elle ne paraisse pas strictement désinvolte, mais qu’elle dégage un brin de raffinement ?

Peut-être que concernant les cheveux, devrait-ils faire des concessions ? Si les trop long, trop gros, semblent trop négligés, au point de contribuer à éloigner l’auditoire, eh bien, pourquoi ne pas opter pour les plus courts, plus fins, et donc plus fun ? Faudrait-il attacher en queue de cheval pour sembler quelque peu, plus attractif ? Eh bien, pourquoi ne pas essayer de s’y accommoder, le temps de recouvrer l’estime du public ?

Peut-être aussi que les foulards habituels devraient être tissés avec du textile ou des étoffes davantage plus béninois ? Oui, les bérets de laine souvent portés compte, mais pourquoi pas des bérets aux motifs béninois aussi, plutôt que la stricte orientation éthiopienne ?
Il s’agira donc pour nos artistes reggae-man, de jouer le jeu des regards, pour au mieux s’exposer et s’imposer. Accepter d’abord de paraître (tout en ne troquant pas leur authenticité) pour enfin, être. C’est en cela que consistera la première victoire du reggae au Bénin. Celle de réadapter et soigner l’apparence de ses pratiquants. Car quoiqu'il en soit, que l’on puisse le contrôler ou non, le monde mue ; la manière des artistes rastas, de se faire voir devrait aussi.Surtout dans un contexte béninois tel le nôtre.

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