Prenez une voix goudronnée dont le verbe est souvent réfléchi, et le tempo du flow tempéré. Donnez-lui une feuille, un stylo, un micro, et le désir de dire le monde, de redire l’histoire. Et vous obtiendrez l’un des singles hip-hop, le plus singulier de l'année.
« Le rap est né » est un storytelling étalé sur cinq minutes quatorze, reconstituant le cheminement du rap, à partir des raisons, des mobiles, des motifs, des prétextes, jusqu'aux sujets (abordés), aux arguments, aux circonstances (de survivance ou de survie du mouvement), aux acteurs, ayant contribué à la naissance (et à la vitalité aussi) du rap.
Toutefois, il est à constater que l’artiste semble, sous maints aspects, substituer le rap à sa personne. Ainsi, quoiqu'incarnant l'entité commune du rap, ce son semble amplement autobiographique.
En effet, il semblerait qu'Ishaq tente d'y cacher astucieusement, ses expériences de parcours en tant que rappeur, ses réflexions sur ce que représente le rap pour sa nature humaine, la prépotence de son amour du rap, ses références instructives pour améliorer son rapport au rap et en filigrane, le combat contre son intérieur, pour s’assumer en tant que rappeur ou s’épanouir en tant que tel.
« Le rap est né », n’est donc pas uniquement empreint d’historicité, mais aussi d’individualité. Ce qui donne à penser qu’on pourrait rebaptiser le titre : « Ishaq est né ».
Ce qui ne serait pas surprenant, quand on sait que ce ténor du rap au Bénin, était dans une phase de reconstruction et de réadaptation de son univers, par rapport aux exigences de l’époque. Ne serait-ce pas là, son acte de recommencement, de résurrection ? Ainsi, doit-on considérer que le premier single de la nouvelle carrière d'Ishaq, est désormais : « le rap est né » ?
Quoiqu'il en soit, ce single évocateur se distingue par la richesse attachante de l'écriture, débarrassée de certains euphémismes atténuants et par l'aspect très énumératif du texte, ponctué par une gradation ascendante.
Ainsi, dans sa globalité, « Le rap est né » est un véritable (re)tour de force, à contre-courant des tendances actuelles, porté par un instru hybridé entre le old-school classique (avec ses quatre temps limpides) et les tambours africains battants.
Un exemple de détermination montré par un rappeur fiable et viable, par ce qu’il ressent profondément et exprime qualitativement.
