Aujourd'hui, nous vivons au Bénin, un changement incontestable, puisqu'on assiste, par l'entremise de la réappropriation, à un retour spontané des rappeurs, aux acquis endogènes du pays.
Et alors que, le rap américain ou français, régresse dans sa domination des codes esthétiques nationaux, chaque rappeur tente de se fonder largement sur les références socio-culturelles du groupe ethnique auquel, il appartient.
Ainsi, dans l'univers conceptuel des musiques qui accompagnent le flow des rappeurs, tout part de plus en plus, de nos représentations collectives ; se servant soit de nos patrimoines matériels ou soit immatériels.
Un peu comme c'est le cas avec le jeune talentueux, Darrken Olufèmy, qui prospecte un Fuji urbain, déployé dans une fonction rassembleuse, des auditeurs de son terroir, qui consentiront à l’écouter.
Mais bien évidemment, n’aspirant à aucune claustration, sa voix jongle entre yoruba, français et même anglais. Alors, d’emblée, ses allusions se jouent des frontières comme des langues. Car, effectivement, dans son nouveau single « Eforibale », les langues (anglais, yoruba, français), ne se diluent pas, ou ne s’affrontent pas ; elles se développent plutôt sous une forme conjointe, en s’interpénétrant, et s’appuyant mutuellement.
Aucune dissymétrie, ni même distance, entre elles, tant le rappeur, les aborde l’une à travers l’autre, avec commodité et aisance.
Appuyé par la précision de son vocabulaire, la vitesse maîtrisée de son élocution, et la prise de risque du chant qu’il entreprend dans sa langue, avec les inflexions reconnus aux structures orales profanes des peuples yorubas ; il y a là, cette énergie communicative et représentative de sa culture et ses fondamentaux majestueux, restitué avec intelligence et tellement de singularité.
Il a donc choisi de dire et d'inscrire au monde, son origine, et son yoruba d’origine, en conservant les ingrédients festifs qui font le charme de cette culture.
Toutefois, n’omettons pas de préciser, que Darrken, fait en sorte, tout au long de son single ; de garder ses vers bien ancrés, dans ses réflexes de rappeur, porté par les prétentions d’autosuffisance, de contemplation de ses propres capacités, de son propre potentiel, et de sa propre musique.
Ses comparatifs, aux attributs à la fois indociles, et rieurs, illustrent, l’attitude du rappeur face à ses détracteurs, à ses challengeurs, ou encore ceux qui oseraient sous-estimer son savoir-faire.
A l’instar de la tonalité de la chanson, l’amour pour ce qu’il est, et incarne, vis-à-vis de lui-même et de sa musique, apparaît varié. D'entrée de jeu, il se fait plus généraliste dans le propos en se réservant de s’évoquer directement, avant d’ensuite, à mesure que les minutes s’égrènent, et que le rythme s’accentue ; de se recentrer sur sa personne.
Du « E vi vi … » en anaphore au premier couplet, marqué par un fort accent de contentement ; nous assistons à un état de ravissement dans le deuxième couplet, d’exaltation aussi, accompagnant l’acte vital pour l’artiste, durant tout le son, de se peindre, de se commémorer.
Il célèbre également la communion avec ses possessions, qui lui procure, extase, au point de susciter davantage de danse et de rythme.
Ce qui ne l’éloigne pas des valeurs de sa source, d’autant qu’on sait que, le peuple yoruba, est de nature fière, et surtout, acquise au culte de noblesse, dans ce que chacun représente.
Ainsi, à la limite d’une vive satisfaction morale, et peut-être aussi d’une volonté assumée de se motiver, Darrken cherche, sur un ton dévoué, à manifester sa présence, à proclamer ses aspirations, et rétablir sa légitimité artistique.
Et au final, il est quasi-impossible d’écouter la fin d'« Eforibale », sans sourire, ou encore de réécouter tout le single ; sans écouter nos pulsations festives, et nos impulsions extériorisées par de vifs mouvements ou l’envie de bouger vigoureusement.
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