Dès l'entame du premier morceau révélant Tögbè, la nouvelle signature du label Djabigan Entertainment de Tyaf, on sent et ressent une sorte de haine et de férocité dans l'artiste. Il fait son panégyrique et cela ne manque pas de retenir l'attention. Il se présente et annonce les couleurs qu'il arbore en tant que rappeur. « Sinon gnin on, yé nô ylomidò Tögbè, (...) nan toun flow bò mi nan wlizo » (Sinon moi, on m'appelle Tögbè, (...) je vais cracher du flow et vous allez vous enflammer). Et pour enflammer, il le fait à sa façon en faisant des mises en garde.
À l'écouter, on croirait avoir une version réformée à la fois de Tyaf et de Vano. Il a presque la même technique vocale ainsi que la violence du Vano dans "Vano Wè", mais il tire un peu sa puissance du style humoristique de Tyaf. D'ailleurs, sa voix ressemble presque à celle de son mentor. En fait le morceau est purement un enchaînement de rimes "violentes" minées de punchlines à tous azimut. « Han tché do portable towé min, nì a má wa concert tché a, a nan kou adigbé » « Oun man non do cravate nò oun man gni digbeu »
Tögbè surfe sur plusieurs vagues. En même temps qu'on a l'impression qu'il dénonce un fait, on a aussi l'impression qu'il s'y fond et confond le public. Sa thématique dans le morceau porte essentiellement sur l'utilité des sacrifices pour tenir dans le rap. Il est tout à son honneur de faire un clin d'œil aux pratiques ancestrales. D'ailleurs il cite allègrement et sans vergogne deux noms de divinités béninoises : Ganbada et Kinninsi. Ceci lui confère un caractère traditionnel le reliant aux valeurs culturelles de chez nous.
Dans le refrain, il dit avoir « tuer 2 poulets » pour son Ganbada. Quelques vers plus tôt, il dit être celui qui fait des sacrifices, obligeant les rappeurs à prendre la fuite. Il dit aussi être devenu un pasteur qui perçoit la quête chez ses fidèles qui viennent à l'église. En fait, Tögbè va dans tous les sens et fait la part belle à la culture béninoise. Plus loin, il confie avec certitude qu'il fera un buzz dans le rap (« mi man di xwèsi o, gnin do kpo non wè nan douzo » : Ne vous en faites pas, je serai le seul à avoir le buzz). Aurait-il lui aussi "vendu la tête" comme son mentor ou mieux un membre plus important de son corps ?
Comme l'indique le titre, le rappeur est demeuré dans le champ clos de la langue fon avec une sérénité qui prouve qu'il sait quoi faire et que faire. Ainsi qu'on le dit, parmi les conditions à remplir pour postuler à un emploi, comprendre le fon-gbé serait un atout majeur pour percevoir l'essence de son rap qui reste engagé dans l'égotrip. Son arrogance coordonné à sa fureur au micro donne un puissant cocktail appelé "Nin Mi Mon Do". Justement, comment verrez-vous ce premier single de Tögbè sous le label Djabigan ? Le vendredi, vous aurez la réponse.
