C'est désormais plus officiel que jamais : Diamant Noir se sépare. Beaucoup de rumeurs, quelques présomptions, mais aussi un peu de consternation et de confusion. Pourtant, c'était si prévisible ! Ah oui ? Bien sûr ! Vous voulez comprendre pourquoi ? Lisez donc !
Les manifestations insidieuses
Si au début de leur carrière, la preuve de leur attachement était omniprésente, au point de satisfaire complètement l’imaginaire des fans comme des médias, ou même de saturer leur écriture ; il faut reconnaître que déjà au fil de leurs sons, le feu du lien, et la répétition passionnée de leur affection l’un envers l’autre, semblait être devenu quelque peu timide.
Nous sommes passés d'un premier album à 85 %, concentré sur la trame de leur relation si raccordée, si connectée ; à un deuxième album à 20 % porté sur le sujet (certes à raison, parce que consacré à la jeunesse africaine) ; puis à un troisième album qui clairement parlait d'eux, de leur histoire, des leçons apprises ou retenues, de leurs victoires, mais dont l’angle d'approche ou de traitement fuyait constamment, le lien dominant du penchant de départ maniaque, d’entretenir la survie du groupe comme entité indivisible.
Justement, à partir de la 3ème minute 08' de leur titre "Eternels" dans cet opus "Audiobiographie" ; Amir déclarait déjà à leur propos : « Je suis attiré par la lumière, et Anouar par l'ombre ».
Inconsciemment donc, il y avait quelque aveu d’une possibilité de retranchement de l’un par nature d’être, alors que l’autre continuerait à être attiré par les projecteurs. Et Amir d’insister sur ce que représente pour lui, son rapport au rap dans "Far Away", en scandant : « Le rap, c'est une drogue. Si j'arrête, je perds un vice […] Et ma mère risque de perdre un fils ». Il s’agit clairement là, d’une confession de l’extrême qu’il serait capable d’atteindre s’il fallait absolument s’interdire au rap.
C’est dire qu’à partir de leur musique auparavant, Amir affirmait déjà une continuité en ce qui le concerne ; quelles que soient les précarités, les réalités du game, les perfidies, les coups bas ou même la finalité de sa relation avec Anouar. Or à ce propos, le voilà qui renchérit d’un ton rassuré dans un extrait final : « [même] quand on ne rappera plus [ensemble] on sera encore potes ». Par conséquent, nous sommes poussés à penser qu’il l’appréhendait un peu cette possible séparation.
Ainsi, aujourd'hui, ce n’est pas si surprenant que la page soit en train d’être tournée. Surtout quand on fait attention à leur personnalité respective.
Les personnalités si distinctes
Anouar avait un tempérament porté vers le retrait, alors que Amir c’était surtout la grande gueule qui attirait en permanence l’attention sur le groupe et lui en particulier. Au point de se faire une réputation de prétentieux présent dans tout (beefs, répliques, réponses interposées, interviews, piques, etc.). Mais cela contribuait évidemment à une vie visible de Diamant Noir.
Anouar entretenait donc une sorte de mystère incarné par une écriture qu’il qualifie lui-même de « dark », qui semblait signifier soit qu’il assumait mal son succès, soit qu’il n’assumait pas suffisamment de faire carrière à part entière, soit qu’il y avait d’autres choses plus importantes, plus déterminantes pour lui, que de défendre la portée, l’impact, la réalité de sa vie d’artiste ou en groupe.
Ainsi, bien qu’ayant souvent été uni, Diamant noir, a en quelque sorte toujours été, un miroir au reflet contraire. Autant dans la façon de s’impliquer, que dans la façon de se valoriser. Autant dans la façon de défendre l’existence du groupe, que dans la façon d’affirmer chacun sa passion. Autant dans la façon de se mettre à disposition du public, que dans la façon de témoigner de l’estime l’un vis-à-vis de l’autre…
Aussi, y’avait-il constamment cette volubilité autour du soi personnel, un déploiement prégnant sur le regard individuel dans l’écriture d'Anouar, qui sentait systématiquement le besoin de rapporter chaque thème de leurs chansons, à lui ; avant même l’identité commune.
C’est en prenant en compte tous ces aspects de caractère et d’implication si retranchée d’Anouar, que la justification d’une dislocation du groupe prend davantage son sens.
Ainsi, les préliminaires de la situation actuelle, émanait déjà un peu de cette approche (involontaire sans doute) d'Anouar, de se privilégier avant le groupe, de ne pas savoir se mettre en avant en faveur du groupe, et même de s’effacer absolument quand certaines œuvres sollicitées, nécessitaient une certaine représentativité ; alors que par contre, Amir, allait déjà au front seul, et par lui-même.
De plus, Amir affichait de toute évidence, un sens de la projection en avant, plus probant qu'Anouar. Et d’ailleurs, son évolution dans le phrasé, ses performances dans le style comme dans l’écriture, dans la technique et la manière d’adopter les nouveaux langages, son adaptation rapide aux tendances actuelles, sa capacité à s’ouvrir aux générations nouvelles pour servir de passerelle mais également se positionner, n’ont fait qu’accentuer cette évidence d’un futur projet individuel.
Cela dit, n’est-ce pas qu'Anouar lui-même a été le premier à poser les bases d’une carrière solo ?
La naissance de Baba et l’ouverture aux carrières solo
A partir de 2014, Anouar a affiché une certaine propension à vouloir chanter. Mais également à vouloir se déployer tout seul.
Il l’a explicitement fait savoir en Février 2014, mois dans lequel son premier single solo "Wa' Kadjo" est sorti. Il y avait dans tout ce qui entourait cela, un élan bien déterminé, une quête immédiate des grands médias en dehors du pays. La preuve : c’est que "Wa' Kadjo" a été présenté, et plébiscité sur Couleurs Tropicales de Claudy Siar. Ce qui marque déjà une différence entre le Anouar de Diamant Noir, et celui en tant que Baba.
C’était quelque part les prémices d’un désir pour quelque chose de nouveau et différent de l’orientation artistique de Diamant Noir. Il l’a confirmé dans "Owo" par exemple. L'a réitéré à travers "Maintenant ou jamais" (2015) ; dans lequel, avant de rapper, il s’était permis une portion chantée après le premier refrain du togolais Kollins. Puis l’a confirmé dans "Baby danse" du Cotonou City Crew.
Comme quoi, c’est d’abord Anouar qui a créé « la brèche » dans le groupe Diamant Noir. En tout cas de façon strictement officielle. C’est aussi lui qui a donné à voir une vision compartimentée du duo à partir de là. Tellement, il semblait s’organiser suffisamment bien, pour un véritable parcours endurant.
Et puis… n’est-ce pas que le 20 mars 2017, Anouar lui-même, sur sa page officielle Facebook, publiait une photo de lui, traînant un sac de voyage en direction vers un ailleurs ? N’est-ce pas aussi qu’il y mettait en légende : « Je me tire comme Maître Gim's » ?
L'annonce de Baba (Anouar), n’est-elle pas, une fois encore, une matérialisation de ce qu’il semblait inévitable, que chacun d’eux, veuille prendre son chemin, par rapport à ses ambitions artistiques ?
En conclusion, il faut donc dire que, Diamant Noir est arrivé à un niveau où le renouvellement est l’axe le plus évident pour se reconstruire, pour se réinventer. Et par renouvellement, il faut admettre aussi, cette possibilité de se séparer pour mieux se retrouver. Ce qui sera peut-être le cas de Diamant Noir ! Qui sait ?