Nicoteen : Lorsque le verbe porte la voix !


Dans le champ rapologique béninois de la nouvelle génération, nous pouvons être perplexes, pour ce qui est de prétendre avoir un kiffe qui nous braque les tympans et ne nous lâchent plus. Car malheureusement, le texte part en couilles et au final, seuls les boom baap, nous emmerdent les nerfs. On aurait dit que les gars oublient qu’en fait, tout est lié. Si tu as une good prod, tu dois avoir une bonne technique. Et si ta technique taquine, alors il te faut une bonne muse pour écrire, même en égotrip, des textes qui traquent, étriquent, étripent et donnent envie de cliquer sur « repeat ».

Mais, bon ! Heureusement que dans la marre, il est encore de gros poissons qui savent mordre à l’hameçon du savoir-dire, du savoir-toaster et du savoir-intriguer, Nicoteen. Voici cette fois, le gros poisson que nous pêchons et qui donne à saliver quand nous pénétrons dans sa sphère phonographique. Tel que le suggère son nom, ses mots nouent un dialogue non-tempéré avec l’alcaloïde des ressentis. Pour ceux qui ne le savent : cette substance (l’alcaloïde), porte une double connotation : celle toxique et celle thérapeutique. Notre artiste embauche apparemment les deux dans sa sacoche verbale.

Dans son style, nombreux le comparent à Kaysee Edge Montejano, pourtant, il n’a rien à avoir avec son « Padre ». Nico, est comme un élève qui fait ses propres classes, qui admet les leçons qu’on lui enseigne mais qui décide de les torturer à sa guise. Quand Edge nous fait planer dans la symbolique des signes, Nico, lui, nous fait côtoyer plutôt le code du rythme, le décor de la dérision, le flot des ressentis. Sa technique branle, ses interjections ébranlent, son intonation captive et ses thématiques se rehaussent continuellement. Il est à la fois, l’enfant du ghetto, le soldat des mots et comme tout artiste qui ignore la vérité de lui que ses sons véhiculent, on ne saurait dissocier sa vie à ses textes. Car tout y est ! Ses songes de rêveurs, son utopisme ses taquineries, ses insouciances mais aussi toute sa lucidité. Ses dires transmettent l’émotion avec une approche à la fiction, qui nous plonge souvent dans le scénario des vies démembrées, des vies trahies, des vies dupées, des vies troublées. L’artiste semble consciemment ou inconsciemment; mettre son micro au service des perdus, des offensés, des désavoués, et des blâmés. Ce n’est donc pas surprenant que récemment, il est été associé à un projet en rapport avec la Centrafrique.

Fait marquant : sa polyvalence. Il peut être au vif autant quand il « egotrip » ou qu’il « conscientise ». Ce qui compte sous sa langue, c’est la logique inaltérable. Il n’est donc pas seulement question de kicker pour lui, il importe que le texte soit soudé, que les vers sachent s’entremêler et que les rimes se rallient. Ce gros poisson de Nicoteen est donc indubitablement appétissant, même si nous semble-t-il que la lourde configuration de ses prods flingue quelque peu la puissance de ses vers, de ses jeux de mots et/ou de ses punchlines. C’est à espérer qu’il se sorte des carcans trop communs pour se familiariser à des prods plus raffinés, plus solubles, afin que ses mots découlent promptement leurs sens. Ce qui est certain, nous retenons que Nicoteen sait rapper ce qu’il pense mais aussi penser ce qu’il rappe.

  • Le plan de Dieu
  • Anandel
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