Entretien avec l'un de ces beatmakers qui vont révolutionner l'industrie musicale africaine pour les années à venir. « Thagodsolis » à l'état civil répondant au nom de David Nikoué Kossi Eyram Delalom MIKEM est un beatmaker togolais qui a déjà travaillé avec des talents africains comme Stanley Enow, Eddy Mufasa ou encore Guen. Avec un immense talent et un aigu flair du business, il continue de monter en notoriété sur la côte ouest africaine en étant à l’origine des prods de morceaux à succès de ces derniers mois.
Nous sommes partis à la rencontre de l'un de ces artisans de la nouvelle musique urbaine africaine qui nous parle de ses débuts, son parcours, ses collaborations. Interview fleuve avec un passionné grand bosseur du Rap Africain.
Volun Corp : Bonjour Thagodsolis. En partant de ton identité à l'état civil, dis-nous pourquoi le blaze "Thagodsolis" et parles nous de tes débuts en tant que beatmaker ?
Thagodsolis : Bonjour Volun Corp. Thagodsolis vient du "dieu soleil". C'est un hommage aux pharaons d'Égypte et à nos ancêtres.
Volun Corp : Alors Thagodsolis tu es beatmaker. Comment définis-tu ce métier ? Ces différentes attributions ? Et penses-tu que tu arrives à l'exercer pleinement ?
Thagodsolis : Au Togo être un beatmaker ce n'est pas encore un métier. Espérons que le statut de l'artiste qui vient de sortir y changera quelque chose. C'est une activité technique, qui demande beaucoup de patience et aussi d'écoute. Je suis beatmaker depuis plus de cinq (05) ans maintenant et je le vis pleinement.
Volun Corp : Tu es parmi ces rares ingénieurs sur lesquelles le 228 peut compter dans ce nouvel ère du rap togolais. En es-tu conscient ?
Thagodsolis : Je pense que le Togo peut compter sur tous ses artistes quel que soit leur art et leur niveau. Le Togo regorge de beaucoup de talent qui malgré les difficultés permet de faire parler du pays à travers notre savoir-faire. D'autres ont fait parler d'eux avant moi, d'autres le feront après moi. L'essentiel c’est de faire ce que tu aimes avec ton cœur et de ne pas baisser les bras. Personnellement je m’estime tout juste chanceux d’être tombé sur des personnes qui ont pu me comprendre, me soutenir et m’orienter pour faire de la musique comme je la perçois.
Volun Corp : Comment définis-tu ton profil d’ingénieur ? Quels sont tes particularités ? Dans quels genres musicaux tu te sens bien ?
Thagodsolis : Mon profil en vérité je le construis au jour le jour. Au début j'étais juste un danseur de Hip-Hop, puis j'ai voulu percer à jour les secrets de la musique elle-même et j’en suis venu à la composer. J'ai commencé en faisant ce qui me passait par la tête et j’en suis venu à me conformer aux règles tout en cherchant une particularité dans l’essence même de mes inspirations. Donc je suis passé des musiques club, au Hip-hop et je me suis concentré sur la trap. Je m’adapte donc aux tendances en fonction de ce que ces dernières m'inspirent et je ne cesse jamais d’apprendre.
Volun Corp : Ton talent t'a déjà conduit à travailler au-delà des frontières togolaises. Avec quels artistes de renom étranger as-tu déjà travaillé et qu'as-tu appris de nouveau ?
Thagodsolis : L'un des artistes avec lesquels j’ai travaillé est Stanley Enow. Chaque collaboration comme chaque composition que je crée est une aventure pour moi. Il y a toujours quelque chose de nouveau, toujours de nouveaux kifs, de nouvelles vibes, de nouvelles façons de faire, de nouvelles surprises. C'est un dépaysement permanent. Et c’est l’une des choses que j’aime le plus dans la musique, cette capacité qu’elle a de nous surprendre avec de nouvelles sonorités. Qui que ce soit celui avec qui je vais travailler je reste toujours un peu surpris du résultat qui va être apporté par la touche de tous les intervenants sur le travail effectué.
Volun Corp : Aujourd'hui un ingénieur de son togolais peut-il vivre de ça ? Quel est ton cas ?
Thagodsolis : De mon point de vue, au Togo ça reste difficile pour beaucoup de raisons, d’abord le fait qu’au Togo l'art n’est pas encore perçue comme un métier à part entière, que le marché est difficile, que les artistes ne comprennent pas toujours les prix, qu’ils ne respectent pas toujours les paiements, que nos droits ne rapportent pas grand choses… C'est compliqué d’être un beatmaker. Moi je suis encore une fois chanceux sur ce point-là car en termes de charges je bénéficie encre du soutien de la famille, donc je ne suis pas à 100% autonome. Donc si un beatmaker ne vit que de son art moi vraiment je serai le premier à l’applaudir car je sais que pour en arriver là c’est difficile. Difficile mais pas impossible. C’est une question de temps de courage et de stratégie. Si je devais recommencer avec l’expérience que j’ai aujourd'hui, il y a beaucoup de choses que je ne ferai pas de la même façon, beaucoup de choix que ne ferai pas.
Volun Corp : Comment juges-tu le travail d'autres ingénieur comme Dj C, Kardinal, Kang Da Dreamer ?
Thagodsolis : A la place de jugement je préfère utiliser le mot appréciation. Et donc je trouve que tous les artistes beatmakers font du bon travail. C'est toujours bien de se confronter au travail des autres mais je ne porte de jugement que sur le mien. Le travail des autres je l’apprécie et je l’analyse en fonction de mon expérience et de mes perceptions mais le jugement, ça c’est le public qui va le faire et ce sera simple : il aime ou il n'aime pas. Personnellement en écoutant les beatmakers du Togo et du reste du monde je pense que techniquement si ce n’est la différence de matos de travail, les beatmakers Togolais n’ont rien à envier à qui que ce soit. Donc ne pas partir frustré ou perdant c’est déjà le premier pas pour apprendre et apprécier le travail d’autrui pour s’évaluer et redoubler d’effort afin d’atteindre le niveau de performance d’un Timbaland par exemple. Le plus important c’est de tirer son épingle du jeu de façon talentueuse et professionnelle. La persévérance est la clé du succès. Et les beatmakers togolais connaissent bien ça.
Volun Corp : Au Togo quels rappeurs trouves-tu assez bon et qui exploites bien tes prods ?
Thagodsolis : En vérité ça ne se passe comme ça. Je suis incapable de dire quel rappeur togolais est assez bon pour exploiter mes prods. Il peut arriver que je fasse des prods en fonction du style d’un rappeur. Mais l’exploitation d’une prod dépend toujours du feeling et de l’inspiration que cette prod créée chez un artiste, qu’il soit chanteur ou instrumentiste. L’expérience joue forcément un grand rôle dans cette exploitation mais c’est le public qui aura encore le dernier mot. Dans la musique comme dans la cuisine, c’est ceux qui consomment le fruit de vos efforts qui diront si vous méritez d’être applaudis ou pas.
Volun Corp : Comment est né ton habitude de sortir des "Type Beat" sur Youtube et à quoi ça te sert ?
Thagodsolis : Pour un beatmaker les "Types beat" ça sert à se faire connaître et à se vendre facilement. Un type beat c'est « beat comme » ou un styl de beat assimilé à un artiste donné. Donc tu vas trouver sur le net des Drake type beat ou des Future type beat… Ce sont des beat qui sont fait en fonction du genre de prods sur lesquelles un rappeur a l’habitude de poser. Cette tendance est le fruit d’une stratégie de référencement sur le web en fait. Des centaines de milliers de prods sont postées chaque jour sur youtube. Donc si un beatmaker dit qu’il post une prod du style de Drake, il aura l’attention de tous les fans de Drake et ensuite l’attention de tous les rappeurs qui s’identifient à lui. Cela permet d’attirer de l’audience et donc de se faire connaître. Le beatmaking c’est une passion mais c’est aussi un métier, et donc un business.
Lien youtube beat :
Volun Corp : Des artistes avec lesquels tu rêves de collaborer ?
Thagodsolis : Haha la liste est tellement longue mais sur le coup les noms qui me traversent l'esprit : Kendrick Lamar, Drake, Sarkodie, Mr Eazi...
Volun Corp : Une activité à part le beatmaking dans ta vie…..
Thagodsolis : La prière, la lecture et la méditation.
Volun Corp : A long terme tu penses pencher pour quel métier ? Un message pour les différents acteurs du showbusiness africain ?
Thagodsolis : Je suis déjà dans mon métier, compositeur de musique. Donc je compte me professionnaliser dans ce métier et devenir un DJ à l’international également. A l’attention des acteurs du showbiz je dirai, le talent sans le travail c’est du gâchis. Persévérance et efforts continus nous ferons toujours dépasser nos limites et prouver que nous artistes africains avons une place à faire valoir sur toutes les scènes du monde. Alors ne baissons pas les bras. Le succès nous appelle et nous attend.
Merci à vous !