VolunCorp : Salut KanAa est-ce que tu peux d'abord nous résumer ton parcours ?
KanAa : Bonjour VolunCorp. Je commence par vous remercier pour l'intérêt que vous portez à mon humble personne. KanAa est un artiste Togolais de 25 ans qui occupe la scène Hip Hop de son pays depuis 2009. J'ai d'abord commencé avec mon groupe 585 avec qui j'ai fait des hits comme « Nos regrets », « Nos vies », « O Flou Ntor » ou encore « Let's go party ». Ma carrière solo commence en 2012 avec le départ de quelques membres du crew pour l'occident. Il y a quelques semaines, j'ai sorti la vidéo de mon premier single officiel titrée « DjAnta ».
VolunCorp : Au vu de ton cursus scolaire, de ta carrière professionnelle et musicale, tout semble s'articuler autour de la culture. D'où te vient cette passion pour la chose culturelle ?
KanAa : D’où me vient cette passion ? Je ne saurais le dire. Tout ce que je sais, c'est que j'ai toujours adoré tout ce qui implique de la créativité. Et la culture, c’est la créativité par excellence. J’éprouve la même sensation devant un tableau de SMI (ndlr : Sitou Matt Imagination, graffeur Togolais) qu’en écoutant « Dasi Ko » de Bella Bellow (ndlr : une grande chauteuse togolaise des années 70-80). Et je pense que malheureusement en Afrique, on ne mesure pas encore la réelle portée de l’art et de la culture en général, l’impact que ceux-ci peuvent avoir sur le cours de notre histoire. Et pourtant un peuple n’existe qu’au travers de sa culture. Voilà d’ailleurs pourquoi, tout impérialisme commence par la destruction culturelle du peuple opprimé. Mais dites-moi, qui produit la culture, si ce n’est l’artiste ? Ceci m’a naturellement poussé à devenir acteur, et combattant pour que cette culture panafricaine soit plus développée. Le vrai combat est là. La vraie indépendance de l’Afrique se doit d’abord d’être culturelle. Et le Nigéria l’a bien compris. Nous ? Pas encore, mais ça vient !
VolunCorp : Et pourquoi KanAa ?
KanAa : (Rires). Cette question revient toujours. Je dirais tout simplement que plus jeune, je me faisais appeler « Kannabis ». Non pas parce que j’étais un adepte de la substance, mais plus dans une volonté de choquer. Vous-mêmes vous connaissez les ados et leur côté « rebelle » (rires). Avec le temps, je me suis rendu compte de la superficialité de ma vision. J’ai voulu changer de pseudonyme, mais tous mes proches m’appelaient déjà KanAa, j’ai donc décidé de le garder...(Rires). Voilà la petite histoire. Je conseillerai donc à tous les jeunes artistes qui nous lisent, de choisir avec soin leur nom d’artiste. Car ce nom est appelé à vous suivre.
VolunCorp : Venons-en à ton premier single « Djanta ». On le sait, Djanta a fait l’effet d’un véritable buzz médiatique au Togo pour sa sortie, peux-tu nous dire d’où est parti l’idée, qui a opéré la magie ?
KanAa : La communication de « Djanta » n’est qu’une application de l’esprit d’innovation et de créativité qu’on m’a insufflé à l’école. Je ne cesserai jamais de remercier mon prof de Marketing Culturel Mr M. AYEVA (ndlr : promoteur culturel togolais, faiseur de stars). Tout est parti de trouver une approche originale pour une promo avec zéro budget. Tout le monde sait que faire le pari de l’autoproduction exige beaucoup de moyens. Et quand on n’a pas assez de ressources financières, il faut savoir être malin. (Rires). Ma team a donc décidé d’aller chercher notre public, là où il est, c’est-à-dire Facebook, Twitter, Instagram, WhatsApp, etc... Le reste est venu tout seul : le hashtag pour répertorier les publications, et le concept de photo pour viraliser la campagne. C’était risqué, mais de toute façon, on n’avait rien à perdre. Mais le succès nous a surpris au final, une réussite au-delà de nos espérances. On n’était pas du tout préparer à ça. Cette réussite nous a mis la pression pour la suite, et nous a d’ailleurs forcer à revoir nos prévisions pour la vidéo de Djanta.
VolunCorp : Justement la vidéo de Djanta, parlons-en ! Tu sors ton single en février, pour offrir le clip dix mois après ? Qu’est ce qui explique ce décalage énorme ?
KanAa : Comme je viens de le dire, l’autoproduction a ses écueils ! L’une d’elle est l’argent. Financer son projet, pour un jeune artiste africain reste encore un énorme chemin de croix. Je ne suis pas un cas particulier, entre la planification et les réalités du terrain, le contraste est abyssal. En même temps, nous ne voulions nous précipiter pour offrir une vidéo de qualité médiocre au public. Ca a pris le temps que ça a pris pour réunir nos petits moyens, mais nous sommes quand même fiers de nous. C’est le lieu de remercier la team qui me fait confiance depuis le début, et aussi le « Storming DjAnta », un petit groupe d’amis qui n’a pas hésité à m’accompagner. Le plus dur c’est maintenant : défendre ce single à une échelle continentale.
VolunCorp : Pourrais-tu nous dire ce qui t’as inspiré cette chanson Djanta ?
KanAa : Tout d’abord « DjAnta » veut dire dans ma langue maternelle (Ndlr : Ewé) « Lion ». L’histoire de cette chanson s’inspire en grande partie de mon histoire. J’ai écrit ce single dans une période difficile, ou je devais faire des choix qui allaient impacter le reste de ma vie. C’est mon amertume qui m’a inspiré ce son. C’est ma volonté à aller de l’avant qui en a guidé l’écriture.On tombe, on se relève, on avance. Djanta est le résumé de ce que vivent les jeunes africains d’aujourd’hui. Et je voulais que cette chanson soit l’hymne de ma génération. Comme je le dis, « on ne tombe que pour aller plus haut, trampoline ».
VolunCorp : On peut entendre dans ta chanson « ne prend pas tes locks pour une crinière ». Tu sembles manifestement vouloir tenir la dragée haute à quelqu’un, probablement un artiste. De qui s’agit-il ?
KanAa : (Rires). Cette question revient souvent dans les interviews. On m’a souvent dit que je parlais de Dov’nd le Kaméricain, (ndlr : artiste rappeur Camerounais résidant au Togo) que je salue d’ailleurs au passage. Nan sérieux, Dov c’est un artiste que je respecte, et nous partageons la même vision panafricaniste de la musique. J’étais d’ailleurs là pour le soutenir dans son récent concert live à l’Institut Goethe de Lomé. Quand je parle de locks et de crinière, je voulais juste dire que trop souvent on prend les apparences pour la réalité. Comme il ne suffit pas de porter des locks pour être un rasta, il ne suffit pas d’être swaag pour être une icône. Ou comme on dit, « l’habit ne fait pas le moine ». Les lyrics expliqués de Djanta sont disponibles sur le net Lyrics Djanta
VolunCorp : Puisqu’il est question de paroles, on t’entend également dire « Toute une famille au départ, mais aujourd’hui je suis tout seul sur ma route ». Doit-on conclure que tu as définitivementtourné la page avec ton groupe les « 585 BOIZ » ?
KanAa : (Rires). 585 avant d’être un groupe, c’est une famille. Donc peu importe ma décision d’aller en solo, ils me suivent toujours. Je discute souvent avec mes gars Risbo et Rouj sur mes projets. Ils ont d’ailleurs été les premiers à valider Djanta. Noir devenu King Noir est en train de travailler sur son projet avec une équipe ghanéenne. Et avec lui aussi le courant passe bien. Beaucoup de gens ne le savent pas, mais j’ai co-écrit son single « Some More ». Non francho, je suis plus 585 que jamais. Ma carrière solo ne ressort que de ma volonté d’affirmer ma personnalité artistique, sinon tout va bien. Quand je parle « d’être seul sur ma route », je parle surtout de faire mes propres choix, et de prendre mon destin en main pour ne laisser personne décider pour moi.
VolunCorp : Il est indéniable que la variété togolaise à le vent en poupe grâce notamment au groupe Toofan, penses-tu que le rap togolais connaîtra un tel essor dans un futur proche ?
KanAa : Le rap togolais a encore beaucoup à faire. Autant on a du talent à foison, autant les gens sont réticents à y investir. Ce qui les décourage en général, c’est le manque de discipline et de sérieux des rappeurs. Quand on comprendra qu’une carrière ne se limite pas à un single qui cartonne, on aura percé le secret des Toofan. Pour moi Masta Just et Barabas sont un exemple. Qui ne rêve pas de rouler en H3 grâce à son art ? lol. Qui ne rêve pas de faire bouger l’Afrique entière ? Le problème du Hip Hop togolais, c’est lui-même. On est passé de la position de musique urbaine préférée des jeunes togolais en 2005 à celle d’outsider en 2014. Mais quand j’écoute des artistes comme Mikflammez, Prince Mo, Myra, Le PapAra, Willy Baby ou moi-même (lol), je me dis on a une chance. Tout ce qu’on a à faire c’est d’inonder les oreilles des fans de tubes, et de bons projets. Plus on sera nombreux, plus on pourra y arriver. On verra bien ce que 2015 nous réserve.
VolunCorp : KanAa, nous sommes arrivés à la fin de cet entretien. Mot de fin, projets, contacts ?
KanAa : Je commence par dire merci à vous et à toute votre team pour l’invitation. Vous avez un beau projet. Prenez-en soin ! Ça ne sera jamais facile. Mot de fin ? Merci pour ceux qui me soutiennent, depuis la première fois qu’ils ont écouté Djanta. Merci à Black Djanta, mon crew 585 BOIZ/NKPMG, au Storming Djanta, et tous ceux qui contribuent d’une manière ou d’une autre à faire avancer ma carrière. La vidéo de Djanta est là. On fait tourner au max. Le remix de DjAnta en collaborationavec mon fofo Nasty Nesta arrive dans quelques semaines, en attendant « Kekeli » prévu en Mars-Avril. Je continue par travailler sur « Rythmes », mon maxi prévu sortir courant 2015. Vous aurez plus de news bientôt. Ecrivez-moi sur WhatsApp 00228 90 35 74 34 ou sur Twitter / Instagram @Kanaabizou. Groooooaaaaaaar
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